samedi 5 mai 2012

Chapitre 27


« B-bon, admettons, nous défendons la mauvaise personne. Ça ne met pas pour autant à mal les Mikava. Nous ne voulons que le bonheur des gens. Notre chef n'est peut-être pas recommandable, mais d'un point de vue idéologique, vous êtes perdants.
    • Pas pour longtemps. Pose-moi toutes les colles que tu voudras, je ferai de mon mieux pour te répondre et essayer de te convaincre.
    • Et ben, euh... ces nouveaux Migono violets, les recruteurs qui poussent au suicide, euh... pourquoi les avoir fait faire ce que vous...
    • Ne sont-ils pas merveilleux ? Ils sont produits à la chaîne dans la pièce d'à côté. En poussant les limites des plans de Maradu plus loin, je me suis rendu compte qu'il était possible de créer des entités vivantes à partir de rien. À la base, un Migono se doit d'être à la fois un bon guerrier et un bon négociateur, le fait est que la plupart de mes recrues privilégie un aspect sur l'autre. Je suis encore en train de travailler sur une version guerrière de ces nouveaux Migono, mais les négociateurs sont au point.
    • Pourquoi pousser les gens au suicide ?
    • Ce n'est pas leur but ! Ils doivent simplement sensibiliser les gens à la réalité du malheur. Le problème, c'est que la société bouffe déjà pas mal leur moral, et qu'en entendant notre discours, près de la moitié d'entre eux se suicide plutôt que de nous rejoindre ou d'admettre leur vie de merde sans en finir avec elle. D'un côté, ils ont raison, plus aucune motivation ne nous pousse à vouloir vivre, si ce n'est une certaine forme de masochisme. Ou alors, on peut rejoindre les Migono, et répandre notre message à travers le monde, pour que moins de gens soient aveuglés par des pseudo-promesses de bonheur futur qui de toutes façons n'existe pas. Tant pis s'ils ne nous croient pas et restent enfermés dans leur vision optimiste et fermée, on a fait connaître notre message.
    • J'avais ces mêmes idées sombres avant d'entrer chez les Mikava, je vais plutôt mieux dernièrement. Je traverse une passe difficile, mais on dirait que ça s'arrange peu à peu.
    • Que tu crois. Raconte-moi ta vie, je te dirai où tu vas.
    • Disons que j'ai quelques problèmes d'hébergement, et un ami a accepté de m'aider.
    • Ah, la pitié, … J'espère que tu as préparé quelque chose pour lui rendre la pareille. Si quelqu'un vous rend service, c'est qu'il s'attend à ce que vous donniez quelque chose en échange.
    • J'aimerais le remercier, mais je suis à court niveau finances...
    • Alors attends-toi à ce qu'il te jette. Les gens ne rendent pas service pour du vent. Pense à l'intérêt personnel, les gens ne font rien sans lui, et c'est parfaitement humain.
    • Il a le cœur sur la main ! Il n'attend rien de moi ! Il a vu que j'étais dans la misère et m'a aidé du mieux qu'il pouvait, c'est quelqu'un de formidable !
    • Foutaises. On donne aux miséreux pour se donner bonne conscience et pour bien paraître auprès des gens, être aimé, rien de plus. Si vous êtes aimé, vous pouvez demander n'importe quoi aux autres, vous l'aurez.
    • Il ne m'a jamais rien demandé. Il m'a sauvé sans rien vouloir en retour.
    • Pour l'instant. S'il l'a fait sans motivation personnelle, c'est qu'il est complètement crétin. Les chances d'aboutir à une belle vie sont déjà très faibles, et ce genre d'attitude ne ferait que réduire encore les chances. Dans ton cas, attends-toi à payer un loyer très prochainement...
    • Pourquoi il me demanderait un loyer ?
    • Pourquoi il ne le demanderait pas ? Loger quelqu'un à l’œil, ça va cinq minutes. Il te prête un logis, il va bien falloir le payer un jour, c'est parfaitement normal.
    • Et si je n'y parviens pas ?
    • Alors il ne te gardera pas chez lui, ce n'est pas rentable...
    • Il ne pense pas qu'à l'argent !
    • Les gens changent. Il n'y a que les gamins pour voir le monde tout beau et tout rose, où les gens ne pensent pas qu'au pognon. Ton ami finira par réclamer son dû, parce que le besoin d'argent se fera ressentir.
    • bon, oublions mes problèmes de logement...
    • Au passage, ''ami'', … c'est un terme vite choisi. Dans une société où l'argent est roi, il n'y a pas d'amis, que des acheteurs et des vendeurs. Les gens ne vous sont sympathiques que quand ils peuvent tirer un profit de vous.
    • j'ai dû arrêter mes études par manque de moyens financiers.
    • et ?
    • Quoi, ''et ?'' ?
    • Non, je ne vois pas ce qu'il y a d'anormal. La connaissance, ça se monnaie. Des tas de gens qui guettent avec impatience la privatisation de l'éducation nationale pour tirer profit de ce gouffre financier.
    • c'est pas la question. Je n'avais plus d'argent et j'ai dû commencer à bosser pour espérer gagner assez pour manger.
    • C'est ton droit. De toutes façons, les études ne t'auraient servi à rien. Avec ou sans diplôme, tu te serais retrouvé au chômage. Un petit boulot permet une survie temporaire, si tu as la chance d'en trouver un.
    • C'est vite dit, encore une fois, je dois tout à mon ami.
    • Je répéterai pas ce que je viens de dire. Au moins, si tu lui ramènes un peu d'argent, il ne te jettera pas. Du moins... pas tout de suite. Quand tu auras perdu ton boulot, ce sera autre chose.
    • puis en ce moment, j'essaie de séduire une fille...
    • Ah... Le sujet sensible par excellence.
    • On doit aller voir un concert ensemble la semaine prochaine. Je sais pas si je serai à la hauteur, je suis timide, et séduire une fille, c'est nouveau pour moi. Mais je suis plutôt bien préparé par les Mikava...
    • Je te rassure tout de suite, le risque de plantage est élevé. Si tu es timide et que tu n'as jamais séduit de fille avant, tu te retrouveras comme un con à la sortie du concert, sachant pas quoi faire, et tu te feras plaquer. Ça arrive à plein de gens.
    • Je sais, oui...
    • Alors, pourquoi ? Pourquoi tu prends le risque d'aller voir un concert avec elle, si tu sais que tu peux te planter à la fin ? Y aller, c'est déjà vouloir faire preuve d'optimisme en espérant que ça se passe bien ; mais il y a un nombre incommensurable de faits qui peuvent se produire, saboter l'instant, et te déprimer à tout jamais. Tu rentreras déçu.
    • Mais...
    • Il n'y a pas de ''Mais...''. L'optimisme est le point de vue le plus stupide que l'humanité ait jamais produit. Tu vas au concert en espérant que ça se passe comme dans les films, que tu embrasses la fille à la fin, mais la vie n'est pas un film ! Si tu ne l'embrasses pas, tu ne t'en relèveras pas ! On déconne pas avec les sentiments !
    • MAIS QU'EST-CE QUE JE DOIS FAIRE, ALORS ? »
La pression est trop forte, j'en perds tout mon sang-froid. Je prends la fuite, totalement paniqué, abattu, voulant m'éloigner de cette source de malheur, en larmes. Je trébuche et je passe à travers une porte qui n'était pas là tout à l'heure. Elle m'envoie sur Terre, puis se referme. Je tombe, et je reste face contre terre une bonne dizaine de minutes, hurlant de désespoir. J'ai craqué.
Quand je me relève, je suis face à un banc. Marc, son fauteuil à côté de lui, sans son armure, et une autre personne sont assis dessus. L'autre personne porte un sac sur ses épaules, mais ce qui me choque le plus est le fait qu'elle soit complètement défigurée. Tout le bas de son visage a triplé de volume. Son nez, ses joues et sa bouche sont énormes et asymétriques. Cela doit être dû à une maladie.
« Désolé d'avoir montré une scène aussi pitoyable. C'est pas dans mes habitudes de m'effondrer aussi facilement.
    • T'en fais pas Igor, c'est déjà oublié. Puis au moins, Feltro nous a relâché. Seulement, il l'avait fait moins... brutalement avec nous deux.
    • Vous deux ?
Je me tourne vers l'inconnu.
    • Mais alors, vous êtes, …
Il répond d'une voix également déformée.
    • Sarantu, mais tu peux m'appeler Thierry. »

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